Publié chez Rackham, le héros est une BD en deux volumes, d’environ 250 pages chacun, narrant la vie du mythologique Héraclès.
Dans sa version, l’auteur espagnol David Rubín transpose les exploits du héros dans une Grèce mêlant Antiquité, époque moderne et technologie futuriste.
Ainsi, ne soyez pas troublé de voir des grecs en jupe avec des figurines DC comics et un projecteur holographique cubique dans le même temps, c’est l’univers que nous peint l’auteur. Univers dans lequel on rentre très facilement, faisant totalement fi des conventions temporelles qui nous horripilent parfois lorsque l’on remarque une
montre au poignet d’un soldat dans un péplum.
L’histoire originelle de Hercule s’avère également un peu revisité mais les caractéristiques principales restent. Les douze travaux sont bien présents, dans l’ordre et surtout d’autres aspects moins connus nous sont narrés, com
me son parcours avec Iolaos ou son mariage avec Mégara. Placer cette épopée dans un monde semi-contemporain permet de critiquer notre époque, et entre autre, le processus de starisation par les médias.
Il aura fallu quatre ans à l’auteur pour finir son odyssée, six mois à l’écriture et le reste au dessin. D’ailleurs, le point fort de David Rubín réside dans son dessin, ses couleurs mais surtout dans la composition de ses planches. Ses découpages sont d’une riche intelligence, servent toujours l’action et insufflent une originalité à l’auteur.
Je n’ai pu m’empêcher de vous montrer quelques exemples.
Tout d’abord, dès que ça castagne, les cases ne sont plus droites. Vous allez me dire que c’est un peu le b.a.-ba d’un dessinateur de savoir cela et je vous l’accorde mais ici, cela a été particulièrement travaillé.
Voyez cet effet où il dessine la partie interne d’un personnage pour montrer là où ça fait mal (procédé innovant qu’il affectionne et réutilise d’autres fois).
Souvent aussi, les onomatopées sont directement intégrées au dessin, soit pour servir de contour de cases, soit pour servir de contour à la matière déplacée.
Pour enrichir l’action, il sort des conventions comme dans cette planche où les courbes des cases viennent renforcer le son des cloches.
Dans cet extrait de double-page, au lieu de positionner en début de planche et à la suite les réactions des villageois face au taureau, David Rubín les intègre astucieusement dans deux énormes cases d’introduction à la confrontation sans que le lecteur ne se trouve gêné par ces incursions dans ces deux grands dessins. Le travail des couleurs sert de surcroît à bien différencier les gens de l’action et d’avoir deux lignes narratives différentes sur la même planche mais qui sont unies par un même élément perturbateur, le taureau.
Bref, cette BD est d’une richesse graphique rare, hommage à Héraclès mais aussi, évidemment, et cela se voit dès les premières pages, aux super-héros de comics, à l’auteur Kirby et son Orion. De part son traitement et son format presque comics (un poil moins haut), il était donc tout à fait justifié de chroniquer cette histoire dans Chronicomics.